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A
- Enfoncer le plançon d'au moins
0,50 m
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B
-Conserver les jeunes pousses sur 20 cm
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C
-Former la tête par des recépages
réguliers
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FORMER
UN NOUVEAU TÊTARD |
Former
de nouveaux arbres pour l'avenir est indispensable
si nous voulons léguer un savoir faire
et maintenir les paysages typiques de certaines
régions.
Nous
distinguons deux grandes familles d'arbres têtards
; ceux issus de boutures, essentiellement les
saules (saule blanc, saule fragile) et le peuplier
noir plantés dans les sols frais et humides
(cas N°1), et les têtards formés
à partir de jeunes arbres étêtés
(cas N°2).
RÉALISATION
PRATIQUE
Cas
N° 1 - Prélever
un plançon (bouture) de saule de 5 à
10 cm de diamètre et de 2,5 à
3 m de longueur environ. Tailler la base du
plançon en pointe à l'aide d'une
serpe, faire un avant trou si nécessaire
et l'enfoncer (A) à la masse sur 1/2
mètre au minimum. Rectifier le haut du
plançon à la hauteur souhaitée
à l'aide d'une scie et attendre que la
bouture reprenne. A la fin de la première
année, enlever toutes les repousses du
tronc (B) à l'exception des 20 derniers
centimètres. A la fin de la deuxième
année, commencer à former la "
tête " (C) en enlevant toute la couronne.
Espacer en suite les recépages.
Cas
N°2 - Repérer
un départ de branches sur un jeune arbre,
généralement entre 1,60 m et 2,40
m du sol selon le mode d'utilisation de la parcelle
(élevage bovin, jardin, bord d'étang
ou de rivière
). Ecimer l'arbre
(D) en période de repos végétatif
à 2-3 cm au dessus de cette fourche et
enlever toutes les branches. (Sur des sujets
plus forts il est prudent de préserver
un ou deux tire-sève). Au printemps suivant,
des rejets vont pousser sur le tronc de l'arbre
étêté, les enlever tous
sauf sur les derniers 20 cm. Après
une deuxième année de végétation,
recéper totalement l'arbre (F), tire-sève
et jeunes pousses. La formation de la "tête"
est commencée. Espacer ensuite les recépages
de 3 à 9 ans selon les essences car l'arbre
têtard se forme lentement et des recépages
trop rapprochés empêcheraient la
croissance du tronc.
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D
- Etêter à la hauteur choisie
en laissant un ou deux tire-sève
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E
- De nombreuses pousses apparaissent au
printemps suivant
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F
- Enlever les tire-sève et éclaicir
les rameaux qui formeront la "tête" |
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Frêne |
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QUELLES SONT LES ESSENCES LES MIEUX ADAPTÉES
A LA FORMATION EN TÊTARD
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Presque
toutes les essences de feuillus se prêtent à
la formation en têtard. Les plus couramment utilisées
étant le saule, le charme, le chêne pédonculé
et le chêne sessile, le peuplier noir, l'orme
champêtre, l'orme lisse et l'orme de montagne,
le frêne, l'érable champêtre ou le
platane dans le Sud-Ouest.
Un peu moins courants étaient les têtards
d'érable sycomore, de hêtre, de châtaignier,
d'aulne, de tilleul ou encore de houx. Chez les résineux,
seul le pin sylvestre était taillé ainsi.
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Platanes
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Platanes
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Frênes
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Erables
champêtres
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Platanes |
Saules |
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UN MILIEU DE VIE ORIGINAL
(illustration
provisoire)
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Après
le recépage d'un arbre, les plaies les plus importantes
ne sont pas toujours totalement recouvertes par un bourrelet
de cicatrisation et l'aubier se dégrade lentement,
atteint par la pourriture ou attaqué par des champignons.
Cette dégradation va former des cavités
qui se comblent peu à peu par le terreau issu de
la décomposition du bois et des feuilles. Il s'y
développe alors une flore opportuniste : fougères
(polypodes), géraniums et rumex, mais aussi des
arbustes (sureaux, églantiers et groseilliers)
ou même des arbres qui prennent naissance à
partir des graines apportées par le vent ou les
déjections des oiseaux. Dans le terreau va évoluer
une population d'insectes saprophages ou saproxylophages
dont le plus célèbre d'entre eux est certainement
le scarabée pique-prune (Osmoderma eremita),
un coléoptère de 3 cm, rare et protégé,
qui est devenu célèbre en "stoppant"
les travaux de l'autoroute A28 Tours / Le Mans pendant
près de 6 ans !
Quand
les cavités atteignent une certaine importance,
c'est toute une faune cavernicole qui investit ces vieux
arbres : abeilles et frelons y installent parfois leurs
essaims, lérots, fouines, belettes et chauves-souris
s'y reproduisent aussi mais ce sont les oiseaux qui
sont peut-être les plus nombreux à occuper
ces nichoirs naturels. Parmi eux, les mésanges
cavernicoles, les pigeons colombins et la chouette chevêche.
Dans bon nombre de régions, l'arbre têtard
constitue d'ailleurs le seul milieu exploitable par
ce petit rapace nocturne et la disparition des arbres
têtards compromet fortement son maintien.
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UN PATRIMOINE MÉCONNU ET MALMENÉ
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Il
n'est pas rare de trouver des têtards vieux de
plusieurs siècles. Une trogne de chêne
de plus de 400 ans a été identifiée
dans une commune du Loir et Cher ; ce cas n'est pas
isolé et se retrouve dans d'autres régions
ou d'autres pays (Angleterre...). Ces arbres portent
les stigmates de l'exploitation régulière
(et manuelle) de 10 à 20 générations
de paysans et constituent un réel patrimoine,
pourtant peu de nos contemporains s'en soucient.
Les
remembrements en ont détruits des millions et
chaque jour encore, des centaines d'entre eux disparaissent
faute de mesures de protection. En quelques décennies,
dans la plus grande indifférence, des paysages
stabilisés depuis plusieurs siècles ont
été dévastés et avec eux
le témoignage du labeur de dizaines de générations
d'agriculteurs.
Il reste çà et là de beaux peuplements
d'arbres d'émonde mais faute d'entretien ils
régressent inexorablement, cassant sous le poids
du bois non récolté ou tronçonnés
un à un pour servir de support à des clôtures
artificielles.
Après les avoir présentées
au festival de Chaumont sur Loire en 1999 & 2000,
Dominique MANSION, artiste et naturaliste engagé
depuis longtemps dans la protection des haies, des bocages
et des arbres têtards, a rassemblé dans
son village de Boursay (Loir et Cher), une collection
unique de trognes de chênes pédonculés
détruites par l'agrandissement des parcelles
agricoles de sa région. Vous pouvez les découvrir
en vous rendant à la Maison
Botanique de Boursay.
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Boursay,
Le Chemin des Trognes |
Boursay,
Le Chemin des Trognes |
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Les
Très Riches Heures
du Duc de Berry (détail)
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P.
BRUEGEL - Le proverbe du dénicheur (détail)
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P.
BRUEGEL - La journée sombre (détail) |
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C.
COROT - Le pâtre aux deux chèvres (m.Bx-Arts
- Lille) |
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HISTOIRE D'UN ARBRE PAS COMME LES AUTRES
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On
peut penser que l'homme primitif recépait déjà
les saules pour obtenir les longues et fines baguettes
d'osier dont il avait besoin pour la vannerie. Au néolithique,
avec l'apparition de l'élevage, l'obtention d'un
complément fourrager par le recépage régulier
de certaines essences dont le feuillage était
naturellement recherché par les animaux domestiques
est une hypothèse envisageable, mais ce n'est
qu'à partir du Moyen Âge que l'on est certain
de l'exploitation des arbres sous cette forme grâce
à l'iconographie qui est parvenue jusqu'à
nous.
Les enluminures nous montrent des saules exploités
pour la vannerie, pour la réalisation de haies
sèches ou de potagers en carré. Tout au
long de l'histoire, des artistes (Breughel, Van der
Weyden, Van Gogh, Monet
) nous ont transmis des
représentations d'arbres d'émonde. Ces
arbres faisaient partie intégrante des paysages
agrestes et formaient l'environnement quotidien du monde
rural jusqu'à la révolution agricole qui
a suivi la deuxième guerre mondiale.
C'est à cette époque que l'on a commencé
à pratiquer les remembrements à grande
échelle, point de départ de la disparition
massive des arbres d'émonde. En quelques années,
des millions d'arbres, mais aussi des dizaines de milliers
de kilomètres de haies et de talus ont été
sacrifiés, avec pour conséquence un véritable
désastre écologique dans certaines régions.
Mais les remembrements ne sont pas les seuls responsables
de cette lente disparition des arbres d'émonde,
le manque d'entretien et surtout le désintérêt
général pour la protection du patrimoine
arboré contribuent à accélérer
la disparition de ce qui fut naguère une ressource
de proximité d'un intérêt majeur.
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P.
BRUEGEL
Les chasseurs dans la neige (détail)
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Michèle
DEQUEKER
Paysage de Flandre (Eau-forte)
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P.
BRUEGEL
Le proverbe du dénicheur (détail)
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L'ARBRE
" TROGNE "
On
les appelle " trognes " dans le Perche, " halots " en
Flandre ou encore " Touses " en Picardie ; plus de 100
noms locaux sont actuellement recensés par le
"Centre
Européen des Trognes" à la Maison
Botanique de Boursay pour désigner ces drôles d'arbres
tordus, déformés, déchirés parfois, mais toujours uniques,
les "têtards".
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Une taille régulière leur a donné cette silhouette caractéristique.
Les formes tourmentées que prennent les arbres d'émonde
sont le résultat d'une lente transformation liée au
développement de nombreux bourrelets de cicatrisation
consécutifs à leur étêtage périodique. Le recépage régulier
d'un arbre à la même hauteur pendant des
décennies, parfois des siècles, finit par lui donner
l'allure de cette larve de batracien qui lui a donné
son nom, le têtard. Cette opération a pour but
de prélever régulièrement du bois pour le chauffage,
les usages domestiques (vannerie, piquets, manches d'outils
…) ou bien encore d'exploiter le feuillage (orme, frêne)
comme fourrage d'appoint ou les fruits (chêne,
châtaignier, hêtre) pour l'engraissement
des porcs.
L'arbre têtard fournissait le bois nécessaire à la vie
de tous les jours là où la forêt n'existait plus
ou quand son accès était impossible. Cela concernait
la majorité des petits paysans. On exploitait parfois
les arbres en têtard pour des utilisations industrielles
liées à la métallurgie ou la verrerie. De nos jours,
l'arbre têtard n'intéresse plus grand monde. Abandonné
par une économie rurale où il ne représente plus rien,
il a pourtant une longue histoire.
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Merci
à Dominique MANSION pour la relecture de ces pages |
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